Le non-recours aux prestations sociales désigne la situation d'un individu qui ne bénéficie pas des aides ou des droits auxquels ils pourraient prétendre. Le non-recours accroît le risque de précarité socioéconomique et fragilise la scolarité des élèves concernés.
En France, on estime qu'il concerne environ 30 % des ayants-droits et qu'il s'explique principalement par la non-connaissance. Mais d'autres facteurs peuvent intervenir également comme les difficultés éprouvées face aux démarches à réaliser ou le sentiment de discrimination.
Au collège et au lycée, le non recours concerne principalement la bourse. S'il n'existe pas de statistiques à ce sujet il est possible de le percevoir à travers la mise en relation de deux indicateurs : le taux de boursiers et l'IPS. Ce dernier résume les conditions socio-économiques et culturelles des familles des élèves accueillis dans l'établissement. Plus l'IPS de l'établissement est élevé, plus les conditions globales de réussite scolaire inhérentes aux famille le sont également.
Corrélation IPS et taux de boursiers pour les collèges de l'Académie d'Amiens – Année scolaire 2023/24
Globalement plus l'IPS est faible (en abscisses) et plus le taux de boursiers est élevé (en ordonnées). Néanmoins, on peut observer des écarts importants entre taux de boursiers pour des établissements dont les situations socioéconomiques du public accueilli sont équivalentes.
Ces écarts observés conduisent à s'interroger sur les stratégies qui peuvent être mises en œuvre pour limiter le non recours dans les établissements scolaires. Dans l'entretien qui suit, Michèle Lecrosnier qui est adjointe administrative au collège Edouard Lucas et au collège Rosa Park à Amiens détaille sa démarche professionnelle. Elle a en charge l'instruction des dossiers de demande de bourse, d'allocation départementale de scolarité et de don d'ordinateur (par le conseil départemental).
Pourriez-vous expliquer la procédure de demande de bourse pour les parents ?
Depuis la rentrée 2024, une nouvelle procédure a été mise en place. Le rectorat met à disposition une fiche de renseignements que les parents doivent compléter. Sur celle-ci, ils doivent cocher une case indiquant qu'ils acceptent l'étude automatique du droit à bourse. Ils doivent également remplir une fiche intendance et fournir un RIB. Nous n'envoyons pas ces documents par mail, parce que les parents n'ont pas tous une boîte mail. Les imprimés sont fournis dans le dossier d'inscription ou de réinscription qui est donné en mains propres aux parents en juin.
Quel est votre rôle, une fois ces documents complétés et récupérés ?
Lorsque les parents ont accepté l'étude du droit automatique à bourse, je complète les informations qu'ils ont fournies sur l'application DIAMAN. Celle-ci permet d'obtenir les informations fiscales sur lesquelles je vais pouvoir me baser pour déterminer si un élève peut prétendre à la bourse ou pas.
La procédure est relativement simple en fait ?
Pas tout à fait. Par exemple, un certain nombre de parents ne font pas de déclaration de revenus parce qu'ils n'ont pas d'emploi. Ils jugent que ce n'est pas utile. Dans ce cas la bourse ne peut pas leur être octroyée. Je les appelle alors directement pour leur expliquer qu'ils doivent se rendre aux services des impôts pour obtenir a minima, une attestation indiquant que je peux prendre en compte les revenus qu'ils indiqueront.
De même, il arrive que des parents séparés fassent chacun une demande. Je peux alors être amenée à demander un compte-rendu de jugement afin de déterminer qui peut y prétendre.
Et est-ce que des parents refusent l'étude du droit automatique ?
Oui tout à fait. En fait, je me crée une liste de l'ensemble des élèves du collège. J'indique lesquels sont boursiers et à quel échelon et j'indique également ceux qui sont hors-barème. J'étudie ensuite la situation de tous les autres et je mène l'enquête en quelque sorte. Je les contacte un par un au téléphone pour comprendre pourquoi ils ont refusé l'étude ou pour quelle raison la bourse ne peut leur être octroyée. Il peut s'agir par exemple de personnes comme je l'ai expliqué qui n'ont pas d'avis d'imposition parce qu'ils n'ont pas déclaré leurs revenus. Mais il peut s'agir également de parents étrangers qui perçoivent l'ADA (Allocation pour demandeur d'Asile). Dans ce cas, ils ont automatiquement droit à la bourse, mais il faut qu'ils en fassent la demande.
Ces situations doivent être plus compliquées à traiter. Comment procédez-vous ?
Alors là, je leur demande de venir me voir directement. Parfois, il faut vraiment aller à la rencontre des parents et Il m'arrive de remplir moi-même la demande quand les parents ne maîtrisent pas l'écriture ou la langue française. Heureusement, maintenant, la communication peut-être facilitée avec les traducteurs sur smartphone.
Au final, je fais en sorte d'étudier la situation de chaque élève avant la fin du premier trimestre. Les élèves de sixième en priorité, puis les élèves qui avaient une bourse l'année précédente et qui ne l'ont plus cette année.
C'est un travail qui a l'air conséquent ?
Oui cette année, nous avons eu la chance d'avoir une collègue en formation qui est venue compléter l'équipe, ce qui m'a vraiment permis de passer en revue l'ensemble des élèves. L'année prochaine, la procédure va être moins lourde. Les renseignements concernant les futurs élèves de cinquième, quatrième et troisième sont déjà enregistrés. Donc dès lors que les parents donneront l'accord pour l'étude du droit à bourse, il suffira de se rendre sur l'application pour déterminer s'ils peuvent être bénéficiaires ou pas.
Quand l'instruction des dossiers de bourse est terminée, je m'occupe de l'ADS et des ordinateurs.
De quoi s'agit-il ?
Le département de la Somme attribue aussi un ordinateur reconditionné aux élèves boursiers à l’échelon 3 et octroie automatiquement une Allocation Départementale de Scolarité aux collégiens qui sont boursiers. Mais encore une fois, il faut que les parents en fassent la demande à travers une fiche qu'ils doivent compléter. Donc je reprends la même procédure, je crée une liste de tous les élèves boursiers du collège et je m'assure que chaque famille ait bien fait sa demande. Si c'est nécessaire, j'appelle, je relance jusqu'à ce que toutes les demandes soient valides.
En définitive, lutter contre le non recours est un des leviers d'action pour favoriser la réussite scolaire. Au sein des établissements, il est possible d'agir à travers une information transmise la plus complète possible, la recherche d'une communication systématique, et une aide directe apportée aux familles les plus en difficultés pour effectuer les démarches. Des objectifs qui seront atteints plus efficacement en mobilisant les personnels administratifs, éducatifs (professeurs principaux et conseillers principaux d'éducation) et les personnels de soin et d'action sociale.
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Mise à jour : juin 2025